Les rochers, qu’ils soient falaises ou fragments, éboulis ou coquillages ont pris une place de plus en plus importante dans l’œuvre de Guy de Malherbe ces dix dernières années. D’abord dans les endormies, ces corps allongés sur le sable parmi des débris de pierre, puis dans les chaos et les brèches, sortes de cavernes, qui ont précédés la grande série des falaises, inspirée par les côtes de Normandie.
Dans ces chaos de matière, la pierre et l’eau semblent s’animer dans les jeux d’ombres et de lumières, et l’œil croit reconnaître corps, formes et silhouettes. À travers la peinture – son mouvement, sa couleur, sa matière -, l’articulation entre le minéral et l’organique et l’interprétation onirique des formes apparaissent peu à peu comme une des principales préoccupations de l’artiste.
Depuis 2019, Guy de Malherbe a développé un important ensemble de nouvelles peintures, rassemblées dans une exposition à la galerie La Forest Divonne à Bruxelles sous le nom de « Reliefs ». Un mot qui évoque encore les rochers et les paysages des peintures précédentes, autant qu’il désigne les reliefs de repas qui composent cette exposition : des huîtres, des côtelettes d’agneau et des assiettes d’artichauts.
Ces reliefs présentés pourraient bien être l’aboutissement naturel des dix dernières années de recherche : les huîtres ne sont-elles pas un organisme qui devient un minéral ? Une forme de vie qui devient pierre ? On retrouverait même dans les cercles concentriques qui les composent, le rythme des strates de calcaire qui structuraient les falaises précédentes. Dans d’autres toiles, d’étonnants mille-feuille en reprennent encore la structure et l’onctuosité. De petites toiles singulières que l’auteur intitule « autoportraits ».
Le travail de Malherbe s’articule en deux ensembles distincts : les peintures « sur le motif » et les toiles « d’interprétation ». Les premières, il les réalise sur place, devant le paysage ou le modèle qui l’inspire, ou devant les assiettes de coquillages et de légumes ; les secondes, il les réalise d’après ses premières peintures, la peinture devenant alors véritablement le sujet de la peinture. La touche se fait plus énergique, le format souvent plus grand, tandis que la palette se libère jusqu’à atteindre ces rouges profonds, ces verts vifs, ces ocres lumineux qui marquent les toiles les plus récentes, dans une danse de couleurs et de matières libérée des contraintes de la représentation. Si les premières ramènent en mémoire les Asperges de Manet, ou les natures mortes de Chardin, on pensera pour les secondes, tantôt à Matisse pour les compositions à plat et les couleurs, tantôt au Greco pour les lumières flamboyantes qui illuminent certaines coquilles d’huîtres, devenues gigantesques caves ou vortex hypnotiques. Les reliefs deviennent la porte d’entrée vers un univers onirique, ou métaphysique. Et quand on sait l’importance qu’a eu l’œuvre de Dalí sur les premières années de Malherbe, on ne s’étonnera pas de trouver dans certaines toiles l’étrangeté des peintures de Chirico, ou la vibration de certains sujets de Max Ernst.
Ces peintures qui vont d’une figuration réaliste jusqu’aux limites de l’abstraction, ne laissent pas de côté un surréalisme à la Buñuel amenant Guy de Malherbe à suggérer qu’il entretient un rapport comestible à la peinture, alors qu’il se représente volontiers, non sans humour, sous la forme d’une pâtisserie.
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sur le site web de la Galerie La Forest Divonne